Les Enfants du Ça - Extrait #3

04/04/2022

Les Enfants du Ça - Extrait #3

Troisième extrait du livre " Les Enfants du Ça"

Les Enfants du Ça

Extrait: l'âme et la liberté

Contexte: Orell marche dans les rues avec Jim, Argos, Cali et Tio. La perception traversée par les plantes psychotropes, il ouvre sa vision sur la liberté individuelle.

"(...)Cette fois, je sais vraiment pourquoi j’aime ces quatre lurons qui m’entourent : je vois leur visage. 
Que j’explique cette chose : depuis un moment, j’ai beaucoup de mal à discerner les Hommes par leur physique mais les identifie beaucoup plus par les mouvements de leur âme et de leur Volonté plus particulièrement. Je dois les sentir selon le mouvement invisible qu’ils ont vers la Vie. 
Hommes de civilisations, sociaux et contre-naturels, humanisés et dont la peau se développe sur les codes et structures, seule une toute petite minorité arrive à sauver son Moi naturel, celui qui feule, gémit, grince, pleure, danse, rougit, barrit, celui qui est né, fondamentalement et parfois enseveli le premier jour. 
Les Autres ne découvriront jamais leur Souffle, ineffable, ou se permettent d’en découvrir de petites parcelles, minimes, à travers la structure sociale dans laquelle ils s’inscrivent. 
Ils ressemblent à ce pauvre rhapsode, Ion, qui ne trouve sensibilité et émotions que dans Homère ; se voit toujours le dos dans un miroir au fond de la pièce. Pareil à celui qui ne sent Foi que dans religion précise. En somme, si le cœur des hommes était une batterie, il a été remplacé par une boite à rythme dont l’utilisateur change le set selon une préférence grossière et impersonnelle. 
Jouez votre rythme bordel ! Et voilà comment je me retrouve à marcher dans une foule en pleine rue à ne pouvoir différencier aucun visage. Leur mouvement intérieur est tellement éteint que je ne vois que l’image dans laquelle ils s’inscrivent ; les masques et les costumes, les attitudes comme différents sets de boite à rythmes. Parfois même, passant une nuit entière à côté d’amis dont je suis finalement incapable de dire qui ils sont précisément. 
Mais le quatuor et le trio basse, à eux, je vois leur visage. Leurs traits sont définis. 
Ils sont vrais.
Argos commence à s’exalter de ses paroles. Son regard grandit, il est comme en train d’apprendre à respirer. Un instant, je crois qu’il va pleurer ou jouir. 
— C’est ça… c’est ça que j’aime tellement chez toi... Moi je sais qu’il y a quelque chose, il tape sur sa poitrine en crispant les dents, là ! Mais je me sens comme... comment tu fais pour…, il fait un mouvement ample qui part du cœur et s’envole vers le ciel.
— Comment respires-tu mon ami ?  Lui dis-je en m’approchant, flirtant avec l’air de sa bouche où je l’entends gémir et aimer-, articule la couleur et le mouvement de ton âme, voilà ce qu’est la plus grande liberté. Marche dans ton Désert et ouvre grand les yeux, vois les plantes particulières, les chimères, les aurores indicibles flirter au troisième ciel, la montagne et le chant. Je ne pourrai jamais les voir à ta place. Il n’y a que toi. Il n’y a que toi pour les laisser s’absorber et devenir l’écaille de ta peau et le Souffle de ton âme. Et jusqu’à ta mort, tu pourras errer dedans, voir les étés, les hivers, les climats changer, tu verras les ères se succéder, apportant les migrations incroyables, et tu verras l’Univers, si loin et si proche, dans ton horizon et dans tes poumons, qui prend tout ce qui est, et redonne dans un même mouvement. (...)"


Orell Kingzy